CEMAC : Quel est le niveau de l’endettement obligataire des Etats ?

La dette des pays africains en général, et celle des pays de l’espace CEMAC en particulier fut pendant longtemps détenues de façon quasi exclusives par les créanciers occidentaux du club de Paris ou du club de Londres (dette bilatérale) et par les institutions de Bretton Woods (dette multilatérale). L’ouverture des marchés internationaux à l’émission d’obligations souveraines africaines, la mise en place d’une bourse régionale des valeurs mobilières à Libreville (Gabon) et d’un marché financier à Douala (Cameroun) ont favorisé la financiarisation progressive de la dette de certains pays de la CEMAC. Par ailleurs, en ouvrant un compartiment d’émission de titres publics de moyen et long terme en 2013, la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) a permis à ses pays membres d’élargir la proportion de dette détenue par des créanciers sous-régionaux. Dans le cadre de cet article, nous avons choisi d’analyser le recours des états de la CEMAC à l’endettement obligataire* et par le canal des Obligations du Trésor Assimilables (OTA)**, et d’en mesurer le volume sur la période 2013-2015. Les titres publics de court terme (maturité < à 1 an) sont exclus du champ de l’analyse.

L’endettement obligataire pour financer le Gabon, le Cameroun et le Tchad

Entre 2013 et 2015, 3 des 6 pays de l’espace CEMAC ont été particulièrement actifs sur les marchés financiers et sur le marché des titres publics de la BEAC. En moins de 3 ans, le Cameroun, le Gabon et le Tchad ont émis des titres de dette pour un montant cumulé de 2 845 milliards FCFA.  85% (soit 2 412 milliards FCFA) des sommes mobilisées l’ont été par emprunt obligataire dont 1 500 milliards FCFA par Eurobond***.

Si l’on observe que la Centrafrique, le Congo et la Guinée Equatoriale se sont jusqu’à présent abstenus d’émettre des titres sur les marchés financiers d’Afrique centrale et sur le marché des titres publics de la BEAC (notamment des OTA), le Gabon et le Cameroun sont  quant à eux des émetteurs réguliers de titres de créance sur ces marchés. En effet, depuis 2013 le Gabon s’est endetté à hauteur de 588 milliards FCFA auprès des investisseurs de la bourse des valeurs mobilière d’Afrique centrale (BVMAC) tandis que le Cameroun a émis 253 milliards FCFA de titres à la Bourse de Douala (DSX). Bien que les marchés financiers de l’Espace CEMAC restent parmi les moins dynamiques du continent africain, il n’en demeure pas moins que leurs compartiments obligataires sont plus ou moins sollicités.

Les OTA, nouvel instrument sur le marché des titres publics de la BEAC

Alors que jusqu’en 2012 le marché des titres publics de la BEAC avait pour seul instrument les Bons du Trésor Assimilables (BTA), titres de créances dont la maturité maximale est d’un an, la banque centrale a ouvert aux Etats la possibilité d’émettre sur son marché des Obligations du Trésor Assimilables (OTA) dont maturité est supérieure à 1 an.

En juin 2013 le Cameroun fut le premier état de la sous-région d’Afrique centrale à avoir émis des OTA sur le marché de la BEAC. La première émission d’OTA camerounaise dont la maturité s’élevait à 2 ans fut souscrite à hauteur de 16 milliards FCFA. Depuis lors, le Cameroun a inscrit 34 milliards FCFA de dette sous la forme d’OTA à la BEAC, tandis que le Gabon et le Tchad ont respectivement inscrit 80 et 48 milliards FCFA d’OTA.

A ce jour, les émissions cumulées d’OTA du Cameroun, du Gabon et du Tchad ont atteint 432 milliards FCFA.

Endettement obligataire du Gabon entre 2013 et 2015

Endettement obligataire du Cameroun entre 2013 et 2015

Endettement obligataire du Tchad entre 2013 et 2015

Mays MOUISSI

* Un emprunt obligataire est un mode d’endettement qui consiste pour une personne morale (Etat ou entreprise) à émettre des titres (appelés obligation) sur un marché financier qui seront souscrits par des épargnants (on parle d’épargne obligataire) en contrepartie du versement d’une somme d’argent (prix de l’obligation). Les obligations sont donc des titres de créances échangeables entre tiers dont la maturité et le taux d’intérêt sont préalablement fixés par l’émetteur.

** Au sens de l’article Premier alinéa 12 du règlement général de la Cellule de règlement et de conservation des titres de la BEAC une Obligation du Trésor Assimilable est un titre négociable émis lors d’un emprunt public et représentatif d’une créance à moyen et long terme sur l’Etat. Les intérêts sont payables annuellement.

*** En janvier 2015, le Cameroun a lancé un eurobond pour un montant annoncé de 1.5 milliards USD (environ 750 milliards FCFA). A ce jour, l’Etat camerounais n’a pas encore communiqué sur les résultats de cet eurobond.