Gabon-Cameroun : Le conflit de leadership qui prive la CEMAC de la bourse des valeurs qu’elle mérite
Par l’acte additionnel n° 11/00-CEMAC-CCE-02 de la conférence des chefs d’Etats de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) du 14 décembre 2000 tenue à N’Djaména au Tchad, Libreville, la capitale du Gabon a été désignée pour accueillir le siège de la bourse régionale des valeurs mobilières.
BVMAC et DSX : 2 bourses des valeurs dans un marché étriqué
Envisagé de longue date, c’est seulement en 1999 qu’une étude de faisabilité a démontré la viabilité économique d’un projet de bourse commune à l’ensemble des pays d’Afrique en centrale ayant en partage le Franc CFA. Si les résultats de l’étude tendaient à démontrer l’opportunité de la création d’une bourse régionale, les faiblesses structurelles propres à chaque pays de la CEMAC ne laissaient aucun doute sur le fait le marché de la zone n’était pas suffisamment robuste pour accueillir plusieurs places financières.
Et pourtant, non-satisfait de la désignation du Gabon comme État devant accueillir la bourse de la CEMAC à laquelle il appartient, le Cameroun s’est désolidarisé des autres États membres de la zone. D’abord en adoptant la loi n° 99/015 du 22 décembre 1999 portant création et organisation d’un marché financier camerounais et ensuite par la création effective d’une bourse dénommée Douala Stock Exchange le 1er décembre 2001. S’appuyant de l’exemple ivoirien dans l’espace de l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest (UEMOA), le Cameroun s’attendait à ce que le siège de la bourse régionale échoit à la première puissance économique de la zone CEMAC. Tel ne fut malheureusement pas le cas.
Deux places financières ni viables, ni rentables
Ainsi donc, l’espace CEMAC qui regroupe 6 pays et 42 millions d’habitants compte désormais 2 places financières : La bourse régionale des valeurs mobilières (BVMAC) au Gabon à laquelle le Cameroun refuse de souscrire et Douala Stock Exchange (DSX) au Cameroun qui reste le marché financier d’un seul pays. Un cauchemar pour les défenseurs de l’intégration régionale mais surtout un fiasco financier.
En effet, en raison de leur coexistence, les 2 bourses ne sont ni viables, ni rentables. Par ailleurs, la confiance des investisseurs qui s’étaient montrés intéressés par l’idée d’une bourse commune à tous les pays de l’espace CEMAC s’est étiolée. A juste titre, les investisseurs refusent de jouer les arbitres d’un conflit aux relents politiques entre le Gabon et le Cameroun.
Au plan économique, les conséquences négatives de la coexistence de 2 places financières dans un si petit marché sont bien visibles. Les bourses se boycottent mutuellement, à l’image de la Commission des Marchés Financiers (CMF), régulateur boursier camerounais, qui déconseillait fortement d’investir dans les actions SIAT Gabon en aout 2013, faisant ainsi capoter la première introduction d’une société sur le compartiment action de sa rivale la BVMAC.
La CEMAC principale perdante d’une lutte fratricide vielle de 15 ans
L’observation à date des 2 bourses laisse apparaitre qu’après 15 ans de lutte de leadership, c’est la CEMAC toute entière qui en est sorti perdante. En effet, à la BVMAC comme à DSX le compartiment action se résume à 1 société cotée pour la BVMAC et 3 sociétés cotées pour DSX, le tout pour une capitalisation globale d’environ 170 milliards de CFA laquelle n’excède pas 0,4% du PIB de la zone.
Un bien maigre bilan quand on le compare à celui des places financières des autres régions du continent africain :
– 39 sociétés cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) de l’UEMOA qui affiche une capitalisation boursière supérieure à 5 000 milliards de FCFA (soit 20% du PIB de la zone).
– 55 sociétés cotées à la Nairobi Securities Exchange (NSE) au Kenya avec une capitalisation boursière supérieure à 10 000 milliards de FCFA.
– 187 sociétés inscrites à la cote à la Nigerian Stock Exchange (NSE) dont la capitalisation dépasse les 60 000 milliards de FCFA.
Sur la question financière comme sur d’autres, la CEMAC a pris du retard sur les autres régions du continent.
Les 15 ans de lutte fratricide entre le Gabon et le Cameroun ont privé la Communauté d’un véritable instrument de financement des entreprises et de mobilisations de capitaux. L’essentiel de l’activité boursière en Afrique centrale se limite à des émissions obligataires souvent au bénéfice des seuls états. Quelques entreprises à l’image de BGFI Bank et Alios Finance ont certes émis des titres de dette sur l’une ou l’autre des 2 places financières. Cependant ces émissions obligataires restent anecdotiques. La CEMAC attend toujours son marché financier.
Mays Mouissi
Un bon article!
Une triste réalité!
Des investisseurs et émetteurs pris en otage par des limites ridicules.
le malheur c’est qu’il y’a pas d’espoir à court terme
C’etait exactement pareil pour le projet de la compagnie Air Cemac. Les divergences sur l’implantation du hub de la compagnie (Douala vs Brazaville) ont conduit a son abandon.