Gabon : Le risque d’une contre-performance économique en 2016
Le premier trimestre n’est pas encore achevé et déjà de nombreux indicateurs laissent penser que le Gabon se dirige vers une contre-performance économique en 2016. Aux difficultés d’un environnement économique peu favorable ayant entrainé un fort recul des prix des matières premières se sont ajoutés les inconvénients d’une campagne électorale présidentielle commencée trop tôt qui a pour effet de clairsemer l’administration.
Des indicateurs économiques peu rassurants
Toujours dépendant de son secteur pétrolier, le Gabon souffre de la baisse des cours du pétrole dont le prix moyen depuis le 1er janvier 2016 s’est établi autour de 35 USD le baril. Le Gabon ayant établi son budget 2016 sur la base d’un baril de pétrole moyen de 42 USD, le principe de réalité économique commande au gouvernement de réaliser des ajustements au travers d’un projet de loi de finances rectificatives 2016 à faire adopter au parlement. Bien qu’attendu par les entreprises et les partenaires au développement, le gouvernement n’a toujours pas initié le processus devant conduire à l’élaboration de ce collectif budgétaire.
Il en va de même pour la prise en compte de la baisse des cours du manganèse sur les marchés internationaux et de la baisse de prix du bois liée au ralentissement économique de la Chine, l’un des principaux clients du Gabon.
Même si les autorités gabonaises disent compter sur le secteur hors-pétrole pour limiter les effets de la baisse des cours du pétrole sur l’économie, il est fort peu probable que cette hypothèse se réalise. Dans son rapport n°16/87 de mars 2016 sur le Gabon, le FMI indique :
« La récente chute des prix du pétrole est susceptible de freiner significativement l’économie non pétrolière du Gabon. »
Le chômage, déjà très élevé devrait passer de 28% de la population active en 2015 à 29% en 2016. Déjà massivement utilisé par les autorités, le recours à l’endettement devrait se poursuivre en 2016. Les analystes les plus optimistes comme la COFACE tablent sur un taux d’endettement en 2016 représentant 42% du PIB (soit 3 334 milliards FCFA), les plus pessimistes comme le FMI projettent plutôt un taux d’endettement de 50% (soit 3 970 milliards FCFA), dépassant de 15 points le plafond d’endettement national fixé à 35%.
Baisse d’activité attendue pendant la campagne électorale
En se déclarant candidat à l’élection présidentielle 6 mois avant l’échéance, le Président gabonais Ali Bongo a ouvert la phase de propagande électorale qui se traduira, comme par le passé, par une baisse d’activité notamment dans l’administration publique. En effet, historiquement les phases de campagnes électorales présidentielles se traduisent par un accroissement de l’absentéisme dans l’administration gabonaise du fait des agents partis battre campagne pour leurs candidats et d’autres profitant de l’absence de contrôles pour s’adonner à diverses occupations.
Le Président de la République, pourtant censé montrer l’exemple, est de moins en moins Président et de plus en plus candidat. Plus un jour ne se passe sans qu’il ne s’adonne à des opérations de propagande pré-électorale qui mobilisent à son profit l’administration publique.
Les ministres et les parlementaires n’échappent pas à cette logique. Il y a peu, la presse gabonaise s’est émue de ce que des ministres avaient privilégié l’organisation de rencontres politiques pré-électorales dans leurs régions d’origine au détriment de la résolution des conflits sociaux qui s’éternisent dans les ministères dont ils ont la charge.
Les parlementaires, déjà en campagne électorale, sont peu enclins à réaliser le contrôle de l’action du gouvernement qui leur est dévolu par les dispositions de l’article 36 de la Constitution.
Dans ce contexte, la baisse d’activité attendue dans le pays aura pour effet de dégrader encore plus les agrégats économiques du Gabon avec des conséquences sur la création de richesse, l’emploi, l’éducation, l’efficacité de l’administration, etc.
Mays Mouissi
Sources principales :
– Rapport n°16/86 de mars 2016 du FMI
– Rapport n°16/87 de mars 2016 du FMI