Gabon : Transformez les palais présidentiels des provinces en écoles supérieures
Au Gabon le taux de chômage des jeunes atteint 30% et l’offre d’éducation dans l’enseignement supérieur favorise les formations générales au détriment des formations scientifiques et techniques. En 2011, seul 8% de l’offre d’éducation formait aux sciences et techniques contre 41% pour les lettres et sciences humaines. Il en résulte que l’offre de formation est en inadéquation structurelle avec les besoins du marché de l’emploi local. Ce constat rappelle l’urgence de densifier l’offre de formations scientifiques et technologiques. Or, du fait de la contraction de ses recettes, de la baisse des ressources consacrées à l’éducation entre autres, l’Etat gabonais n’est pas en mesure d’ériger dans des délais courts un grand nombre d’établissements supérieurs spécialisés à travers l’ensemble des provinces du pays. Fort de ce constat, je me permets une proposition à l’endroit des autorités gabonaises : Transformez les 8 palais présidentiels provinciaux en Ecoles d’excellence spécialisées dans les sciences et techniques.
Diversifier de l’offre de formation et accroitre les capacités d’accueil
En 2012, la Banque mondiale publiait un rapport sur la croissance et l’emploi au Gabon. Ce rapport concluait à une l’inadaptation du système éducatif gabonais aux besoins réels du marché. Interrogés dans le cadre de cette étude, des entrepreneurs disaient « offrir des postes avec des qualifications spécifiques que les chômeurs, […] n’arrivent pas à satisfaire ». Cette affirmation est corroborée par les données statistiques de l’office national de l’emploi (ONE) qui montrent qu’en dépit d’un nombre de demandes d’emplois largement supérieur à l’offre, environ 2/3 des offres ne sont pas pourvues en raison de l’absence de candidats suffisamment qualifiés susceptibles d’occuper les postes disponibles.
Par ailleurs l’analyse de l’offre d’éducation dans l’enseignement supérieur au Gabon en 2011 permet de constater la prépondérance des disciplines générales. Les formations en lettres, en droit et en économie représentaient 63% du total des formations offertes sur le territoire. On peut déduire que près de 2/3 des diplômés formés dans le pays sont issus de ces filières. A contrario, les formations en médecine, en sciences et techniques ainsi qu’en agronomie/Eaux et Forêts représentaient respectivement 9%, 8% et 7% de l’offre de formation.
Cette distribution de l’offre de formation a pour effet d’accroitre le chômage chez les jeunes. En effet, ne trouvant pas de débouchés dans le secteur privé, la majorité de diplômés de l’enseignement supérieur général convergent vers la fonction publique (qui reste d’ailleurs le premier employeur du pays avec environ 100 000 agents). Or, l’économie du Gabon étant structurellement dépendante des industries extractives, de nombreux emplois se créent autour de ces activités et demandent une main-d’œuvre qualifiée en sciences et techniques que les entreprises ont souvent des difficultés à trouver au point de faire appel à une main d’œuvre étrangère souvent plus onéreuse.
De façon générale, le taux de chômage mesuré en fonction du niveau d’étude au Gabon montre que les personnes ayant effectué des études supérieures sont moins frappées par le chômage (en raison notamment des recrutements dans la fonction publique) que les autres. Leur taux de chômage s’élevait à 12% en 2010 contre 24% pour ceux de niveau secondaire 1er cycle. Il faut cependant déplorer que l’enseignement supérieur n’accueille que 6% des apprenants. Ainsi, aux problèmes liés à la diversification des formations vient s’ajouter l’insuffisance de capacité d’accueil dans l’enseignement supérieur gabonais. Comment peut-on résorber ces deux problèmes ?
Transformer les palais présidentiels en école pour accroitre les capacités d’accueil
Confronté à une baisse de ses ressources budgétaires en raison notamment du recul des prix du pétrole, le gouvernement gabonais a choisi de faire peser une partie de cette baisse sur le budget du ministère de l’enseignement supérieur. Ainsi le projet de loi des finances 2016 a fixé la dotation budgétaire de ce ministère à 89 milliards FCFA contre 99 milliards FCFA dans le budget précédent (soit une baisse de 10% environ). Cette réduction de fonds alloués à l’enseignement supérieur réduit d’autant les capacités d’investissement de ce département et annihile tout projet de densification des capacités d’accueil et de diversification de l’offre de formation.
L’Etat gabonais n’étant pas en capacité de construire dans un délai court des établissements supérieurs dans toutes les provinces, je préconise de transformer les 8 palais présidentiels des provinces en écoles supérieures d’excellence, spécialisées dans les formations professionnalisantes aux disciplines scientifiques et techniques.
Le Président de la République ayant ses bureaux et sa résidence officielle au palais présidentiel de Libreville, la transmission de ce patrimoine immobilier au ministère de l’enseignement supérieur n’entraverait en rien le déroulement des activités présidentielles. Par contre, si les autorités gabonaises avaient le courage de transformer les palais présidentiels des provinces en école supérieures d’excellence, ce serait un formidable geste pour la jeunesse, l’éducation et par extension pour l’emploi. En effet, si chaque établissement n’accueillait que 700 étudiants du jour au lendemain le gouvernement injecterait plus 5 000 places supplémentaires dans l’enseignement supérieur équitablement réparties sur le territoire national.
Une telle transformation a déjà été expérimentée en 2014 au Gabon. En effet, en janvier 2014, un ensemble de bâtiments destinés à accueillir le palais présidentiel de Franceville (Sud-Est du Gabon) a été transformé pour servir de siège à l’Ecole doctorale régionale en infectiologie tropicale. Cette école qui accueille aujourd’hui des chercheurs venant de plusieurs pays d’Afrique centrale bénéficie du soutien de quelques états de la région, de l’organisation internationale de la francophonie (OIF) et de l’agence universitaire de la francophonie (AUF).
Certes, la transformation des bâtiments rétrocédés et le recrutement d’enseignants engendrera des coûts. Cependant ces charges seraient facilement amorties si la transmission de ces palais s’accompagnait d’un transfert des lignes budgétaires affectées à leur entretien au profit du ministère de l’enseignement supérieur. En effet, chaque année la loi de finances consacrent des sommes comprises entre 1.5 et 6 milliards FCFA à l’entretien des palais présidentiels de province. Entre 2010 et 2015, près de 24 milliards FCFA leur ont été affectés aux titres de l’intendance des palais de provinces et de travaux.
Pour conclure j’appelle au courage des dirigeants du Gabon. Faites ce geste qui aurait tant de conséquences positives pour notre pays, Transformez les palais présidentiels des provinces en écoles supérieures spécialisées.
Mays Mouissi
Sources principales :
– Rapport sur la croissance et l’emploi en République gabonaise – Créer les conditions d’une croissance inclusive. Banque mondiale
– Projet annuel de performance – Mission pouvoirs publics 2015 (annexe au projet de loi des finances 2015)
– Annexes explicatives de la loi de finances rectificatives 2010, 2013 et 2014
– Annexes explicatives de la loi de finances 2011 et 2012
Mon cher Mouissi. Il s’agit encore une fois d’une excellente analyse, conclue par des propositions pertinentes. On espère qu’elles seront perçues de la même manière par les décideurs du pays…
Merci à vous
2016 est dans toutes les tetes une petition bien admistree fera grand bruit a condition que le projet soit portee par les jeunes et les ONGs les vraies au Gabon pour mettre un semblant de pression sur les politiques.
Hello, bravo pour votre article très captivant! Je suis de rennes et je suis intrigué par ce sujet. Grâce à votre site que je viens découvrir au hasard d’un surf, je vais en découvrir davantage. Amicalement.